En Dordogne, une ferme devient un modèle d’agro-écologie et de maraîchage sur sol vivant.
Quand Benoît s’installe à la ferme de Cagnolle en 2008, on lui dit qu’il ne pourra pas planter grand chose. En effet, les sols sont pauvres, la terre est compacte et ne respire pas, et quand on y regarde de plus près, pas de vers, pas d’insectes. C’est là ce qui arrive à beaucoup de surfaces agricoles qui, à force d’être cultivées, s’appauvrissent. À Cagnolle, plus la terre est cultivée, plus elle devient riche. Comment ?
Sur cette ferme, 1.2 hectares sont destinés au maraîchage. Pourtant, aucune machine sur leur ferme. Pas d’animaux pour faire de la traction animale non plus. Ils ne travaillent plus les sols.
Benoît et Carmen appliquent un principe simple : en donnant beaucoup à la terre, la terre nous rend beaucoup. Ils décident ainsi de recréer un agro écosystème, c’est à dire créer les conditions pour que espèces végétales et animales s’auto alimentent.
D’abord, ils appliquent la méthode de la permaculture : ils déposent sur la terre des déchets verts, de la paille du voisin qui allait pourrir, des coquilles de noix, du marc de café, du poussier de charbon de bois, des déchets de scieries. Ensuite, ils ont utilisé de vieilles bâches des voisins pour protéger la terre et ne pas la laisser exposée aux rayons du soleil. Et oui, cette image bien lissée des plantes qui poussent sur de la terre bien noire unie, est à bannir de notre imaginaire, car là où les plantes poussent le mieux, c’est dans un sol qui ressemble à celui de la forêt :
Avec des feuilles mortes, des bouts de bois, des déchets verts, des excréments d’animaux. Les légumes bio qui sortent de leurs champs sont aujourd’hui plus riches en sucres et minéraux que ceux des voisins, et ils s’enrichissent chaque année.
Pour les semis, Carmen et Benoît ont appliqué le même principe, en utilisant l’aquaponie, c’est à dire la culture en serre de plantes irriguées par l’eau des poissons. Des bactéries transforment l’amoniaque des déjections des poissons en nitrate dont les plantes se nourrissent. Les plantes agissent comme un filtre et l’eau revient pure à l’aquarium.
Derrière ce qu’ils appellent l’agro-recyclerie, c’est à dire la transformation des déchets en ressources, Benoît et Carmen prennent tout simplement pour modèle la meilleure gestionnaire qui soit : la nature. Cette méthode rend les agriculteurs autonomes et non polluants, car en amont ils n’ont plus besoin d’acheter des produits qui viennent compenser la pauvreté des sols, et en aval, ils ne rejettent plus ces produits polluants dans l’environnement alentour. Des agriculteurs qui enrichissent les sols au lieu de les appauvrir ? Voilà qui est possible.
Et comme l’écosystème s’étend bien au-delà du champ, cette méthode permet de créer du lien entre paysans et artisans auprès desquels Benoît et Carmen vont chercher les matières utiles pour régénérer leurs sols. Ils ont aussi diversifié leurs activités en proposant des chambres d’hôte et des formations.