Dans le texte ci-dessous, je pense qu'il est important de prendre conscience de cette phrase du dernier paragraphe.
Sri Aurobindo et la Mère insistent tant sur le développement de notre base physique; sans elle, on peut s’extasier et filer tout droit dans l’Absolu, peut-être, mais non faire descendre les intensités et l’ampleur de l’Esprit dans notre royaume “inférieur”, mental, vital et matériel pour y créer une vie divine.
Dans le spirituel, il est important de ne pas oublier le physique.
Quand nous sommes délivrés de la tension du mental pensant et de son bourdonnement, de la tyrannie du mental vital et de sa fébrilité, ses exigences insatiables, de l'épaisseur et des craintes du mental physique, nous commençons à comprendre ce qu'est le corps sans toutes ces surcharges épuisantes, et nous découvrons que c'est un merveilleux instrument - docile, endurant, plein d'une inépuisable bonne volonté. C'est l'instrument le plus méconnu qui soit et le plus mal traité. Dans cet éclaircissement général de notre être, nous observons d'abord que le corps n'est jamais malade, simplement il s'use, mais cette usure n'est peut-être pas irrémédiable comme nous le verrons avec le yoga supra mental.
Ce n'est pas le corps qui est malade, c'est la conscience qui fait défaut; à mesure que l'on avance dans le yoga, on voit, en effet, que chaque fois que l'on tombe malade, ou même chaque fois qu'il y a un "accident" extérieur, c'est toujours le résultat d'une inconscience ou d'une mauvaise attitude, d'un désordre psychologique.
L’étude est d’autant plus intéressante que dès que nous avons mis le pied sur le chemin du yoga, il y a immédiatement quelque chose en nous qui est alerté et qui, à chaque instant, nous fait voir, toucher du doigt même, nos erreurs et la cause de tout ce qui nous arrive, comme si l’”on” prenait vraiment au sérieux notre recherche – rien n’est laissé dans l’ombre; et nous découvrons de plus en plus, parfois avec stupéfaction, une corrélation rigoureuse entre notre état intérieur et les circonstances extérieures (les maladies, par exemple, ou les “accidents”), comme si le sens de la vie ne se déroulait plus du dehors vers le dedans, mais du dedans vers le dehors, l’un façonnant l’autre, même les circonstances extérieures les plus banales – en fait, plus rien n’est banal et la vie journalière apparaît comme un réseau chargé de signes qui attendent notre reconnaissance.
Tout se tient, le monde est un miracle. Nous commettons peut-être une erreur enfantine quand nous imaginons que la vie spirituelle consiste à avoir des visions, des apparitions et contempler des phénomènes “surnaturels” - le Divin est plus proche de nous que nous le pensons, le “miracle” moins tapageur et plus profond que toute cette imagerie d’Épinal. Quand nous avons déchiffré un seul de ces petits signes qui nous croisent, deviné une seule fois l’imperceptible lien qui tient les choses, nous sommes plus près du grand Miracle que si nous avions touché la manne du ciel. Parce que, le miracle, c’est peut-être que le Divin est naturel aussi. Mais nous ne sommes pas attentifs.
Le chercheur prendra donc conscience de ce renversement du courant de la vie, du dedans vers le dehors (et pour cause, le Maître psychique est sorti de son emprisonnement), il descellera ces signes quotidiens et verra que l’attitude intérieure a le pouvoir de modeler les circonstances extérieures dans les deux sens, bon et mauvais; quand nous sommes en état d’harmonie et que notre action correspond à la vérité profonde de notre être, il semble que rien ne puisse résister, même les “impossibilités” se dissolvent, comme si une autre loi se superposait à la loi “naturelle” (en réalité, c’est le vrai naturel qui émerge des complications mentales et vitales) et l’on commence à goûter une liberté royale; mais quand il y a un désordre intérieur, mental ou vital, on s’aperçoit que ce désordre appelle irrésistiblement des circonstances extérieures fâcheuses, intrusion de la maladie ou accident. La raison en est simple; quand nous sommes en mauvais état intérieur, nous émettons un certain type de vibration qui, automatiquement, appelle et contacte toutes les autres vibrations du même type, à tous les niveaux de notre être; c’est un brouillage général qui trouble les circonstances extérieures et fait tout marcher de travers. Et non seulement le mauvais état intérieur crée un brouillage, mais il affaiblit l’enveloppe protectrice, circumconsciente, dont nous avions parlé; c’est-à-dire qu’au lieu d’être gardés par une certaine intensité vibratoire, nous sommes ouverts, vulnérables – il n’y a rien de tel qu’une vibration de désordre pour faire des trous dans notre enveloppe protectrice ou plutôt, pour la décomposer – et n’importe quoi peut entrer. Et notons bien que le mauvais état intérieur est contagieux : il y a des compagnies qui attirent toujours les accidents ou les ennuis.
Quand nous aurons fait dix fois, cent fois la même expérience, qui peut aller du simple rhume ou de la chute banale à l’accident sérieux, suivant l’état intérieur, nous saurons bien que ni notre corps ni le prétendu “hasard” ne sont pour rien dans tout cela, et que, de même, le remède n’est dans aucune drogue extérieure, mais dans le rétablissement de l’attitude vraie, dans l’ordre intérieur, en un mot dans la conscience. Si le chercheur est conscient, il peut passer au milieu de n’importe quelle épidémie, boire toutes les saletés du Gange s’il lui plaît, rien ne peut le toucher, car qui toucherait le Maître éveillé?
Nous avons isolé des bactéries et des virus, mais nous n’avons pas vu qu’ils sont des agents seulement, et que la maladie n’est pas le virus, mais la force qui se sert du virus; et si nous sommes clairs, tous les virus du monde n’y peuvent rien, parce que notre force intérieure est plus grande que cette force-là, ou mieux, parce que notre être vibre d’une intensité trop haute pour cette basse intensité. Seul le semblable peut entrer dans le semblable. Et c’est pourquoi aussi on peut éliminer le cancer, par exemple, après avoir éliminé d’autres maladies moyenâgeuses, mais nous n’aurons pas éliminé les forces de maladie, qui se serviront d’autre chose, d’un autre agent, d’un autre virus, une fois que leur intermédiaire actuel aura été dépisté.
Notre médecine ne touche qu’à la surface des choses, pas à la source. Il n’y a qu’une maladie, l’inconscience. À un stade plus avancé, lorsque nous aurons établi suffisamment le silence intérieur et que nous serons capables de percevoir les vibrations mentales et vitales à leur entrée dans notre circumconscient, nous pourrons, de même, percevoir les vibrations de maladie et les chasser avant qu’elles n’entrent : Si vous pouviez devenir conscient de votre moi circumconscient, écrivait Sri Aurobindo à un disciple, vous pourriez attraper les pensées, les passions, les suggestions de maladie ou les forces de maladie et les empêcher d’entrer en vous.
Il faut encore noter deux autres catégories de maladie, qui ne tiennent pas directement à nos erreurs : celles qui viennent d’une résistance subconsciente (nous en parlerons plus tard avec la purification du subconscient) et celles que nous pourrions appeler des “maladies yogis”, qui proviennent d’un décalage entre le développement des étages supérieurs de notre conscience et le développement de notre conscience physique.
Il peut arriver que notre conscience mentale ou vitale, par exemple, s’élargisse considérablement et reçoive des intensités nouvelles, tandis que notre conscience physique s’attarde encore au vieux mouvement vibratoire et ne supporte pas cet accroissement d’intensité. Il en résulte une rupture d’équilibre qui peut amener des maladies, non par intrusion d’un agent extérieur, microbe ou virus, mais par rupture des relations normales entre les éléments internes : allergies, troubles colloïdaux du sang, etc., ou désordres nerveux et mentaux. Nous touchons ici au problème de la réceptivité de la matière aux forces supérieures de conscience, l’un des gros problèmes du yoga supra mental. C’est l’une des raisons, en tout cas, pour lesquelles Sri Aurobindo et la Mère insistent tant sur le développement de notre base physique; sans elle, on peut s’extasier et filer tout droit dans l’Absolu, peut-être, mais non faire descendre les intensités et l’ampleur de l’Esprit dans notre royaume “inférieur”, mental, vital et matériel pour y créer une vie divine.
SRI AUROBINDO ou l’aventure de la conscience Satprem p. 127-131
Le remède n’est dans aucune drogue extérieure, mais dans le rétablissement de l’attitude vraie, dans l’ordre intérieur, en un mot dans la conscience.
C'est probablement vrai, mais tant que nous ne sommes pas dans cet état de conscience, nous devons vivre sainement. D'ailleurs comment notre esprit peut-il être sain si notre corps n'est pas sain?
Pascal Cadart